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Quelques repères
historiques Hippocrate
dans « le traité des songes » en -400 évoquait
déjà les cauchemars de bataille... Actuellement
nommé en France « syndrome psycho traumatique »
(Terminologie adoptée par L.Crocq F.Lebigot C .Barois dans
le cadre des Cellules d’Urgence Médico Psychologique) ou
Etat de stress Post Traumatique (ESPT) ou Post Traumatic Stress
Disorder (PTSD) chez les anglo-saxons, il apparaissait sous sa terminologie
plus ancienne de « névrose traumatique » en Europe
autour des travaux des psychanalystes Oppenheim, Freud, Janet, Breuer
à la fin du 19 ième siècle et au début
du 20 ième ; La description de psycho névroses
de guerre où les thérapeutes rapportent la hantise
du souffle des obus troublant les nuits de leurs patients militaires
( « le syndrome du vent du boulet ») , de névroses
consécutives aux accidents des premiers chemins de fer où
les pensées intrusives et conduites de panique anxieuse des
patients interrogent leur médecin , vont constituer les premières
études cliniques en psycho traumatologie. Les psychiatres
militaires ont largement participé à l’essor de la
psycho traumatologie (Salmon ; « la psychiatrie de l’avant
») Aux Etats-Unis, l’étude de ce secteur de la
psychopathologie, s’est situé à l’ordre du jour de
l’actualité sociale et médicale dans la période
post guerre du Vietnam (années 80) : de nombreux soldats
vétérans, revenus de la guerre présentaient
des troubles sévères de la personnalité, de
nombreux cauchemars, et des tendances aux alcoolisations massives,
l’ensemble de ces symptômes imposant la nécessité
de prise en charge médicale soutenue. Depuis les
attentats de 1995, en France, la création des Cellules d’Urgence
Médico Psychologique, avec volets d’enseignements sur la
prévention du syndrome psycho traumatique sous la responsabilité
du Général L. Crocq a favorisé la diffusion
auprès des professionnels, des tableaux cliniques spécifiques
et l’initiation aux techniques d’intervention précoce individuelle
et de groupe adaptées. Eléments
de définition Un
événement grave et brutal, confrontant physiquement
et/ou psychiquement, une personne à sa propre mort ou à
celle d’autrui peut générer un état de stress
intense mais adapté : Dans la plupart des cas, cette réaction
peut céder en quelques heures et les réactions émotionnelles,
neurophysiologiques réactionnelles à la peur intense
éprouvée (tachycardie, troubles du rythme respiratoire,
tremblements, etc …) s’apaiseront d’autant plus facilement que les
conséquences objectives sont moins lourdes (absence de blessures
physiques, de deuils , de pertes de biens répondant aux besoins
fondamentaux …) Spontanément, naturellement, l’expérience
douloureuse pourra, à la faveur de la mobilisation des ressources
personnelles et du soutien relationnel et social, être métabolisée
et progressivement trouver sa place dans l’histoire du sujet comme
un épisode de sa trajectoire existentielle. Mais
l’atteinte, ou le risque d’atteinte, à l’intégrité
physique ou psychique, peut, selon la nature de l’événement,
la personnalité et le contexte de survenue, effracter le
psychisme d’une personne (trauma veut dire percée) en provoquant
une blessure : c’est le traumatisme psychique. Que se passe t-il dans ce cas ? Au moment de la confrontation même
avec l’événement : L’évènement
entraîne le sujet dans un vécu « extra-ordinaire
», hors de l’expérience courante, face au risque de
la mort réel ou imaginaire ou symbolique ; il submerge ses
capacités de compréhension, d’action et de contrôle
émotionnel et le situe dans un total vécu d’impuissance.
La victime, en état de choc psychologique, se trouve
alors bouleversée par une situation mettant fin au mythe
de son invulnérabilité, de sa sécurité
physique et psychologique de base ; Elle perd sa position active
de sujet face à son environnement et au monde. La personne
vit un sentiment intense de perte de contrôle, d’horreur,
d’impuissance, et de risque de mort imminente Le vécu,
les émotions violentes ainsi déclenchées, débordent
alors complètement les capacités de gestion et d’intégration
naturelles du cerveau et du psychisme, rendant cette expérience
complètement indigeste et toxique ; les éléments
de l’expérience brutalement stockés, composés
de sensations, de pensées, d’émotions, se trouvent
désorganisés au décours d’un violent orage
neuro hormonal et en rupture d’association avec les autres représentations
mentales du sujet, avec ses autres souvenirs. Par ce vide de
lien avec l’expérience antérieure, la victime se trouvera
dans une totale incompréhension de ce qui survient et dans
l’impossibilité de donner du sens à l’événement-
hors du commun- qu’elle traverse ; Quels
sont les types d’événements susceptibles d’être
traumatisants ? L’impact
de l’événement peut être appréhendé
par le biais du nombre de victimes directes atteintes ; De
dimension micro sociale, il peut concerner une personne, une famille
(un accident de la voie publique par exemple), son impact peut s’étendre
à une structure collective engageant un collectif ou une
unité locale de fonctionnement (explosion d’une usine, suicide
dans une équipe, accident dans une école) ;
Rappelons que généralement, l’événement
ne constitue pas en soi la traumatisation mais qu’il vient, à
un moment donné, dans un contexte donné, rencontrer
une ou des personnes. Cependant certains événements,
de par leur impact collectif, particulièrement déstructurant
et destructeurs sont considérés à pouvoir traumatogène.
Une communauté de personnes peut être massivement
et gravement déstabilisée, traumatisée ; L’événement
revêt une dimension macro sociale engendrant des niveaux de
désorganisation sociale et collective importants comme dans
le cas de catastrophes naturelles (exemple du tsunami) , de crimes
contre l’humanité, de génocides, touchant des centaines
voire des milliers de personnes Ces formes de violences qui
s’inscrivent tout à la fois dans le registre matériel,
moral, symbolique, social, affectent non seulement l’identité
individuelle mais aussi l’identité collective, culturelle,
voire ethnique (exemple des conflits meurtriers en ex Yougoslavie).
L’événement peut présenter un caractère
non intentionnel et fortuit : c’est le cas d’un accident domestique,
d’un accident du travail, de catastrophes naturelles. Ce type de
traumatisme peut être extrêmement nuisible et entraver
la poursuite d’une vie « normale » A contrario
il peut comporter une dimension volontaire avec intention de nuire
voire de détruire et être organisé et oeuvré
par un autre humain, un alter ego : Les violences sexuelles,
des violences domestiques familiales, les braquages, toutes les
infractions à la loi classées dans le Code Pénal
dans la catégorie « coups et blessures » volontaires
ou tentative d’homicide , certaines formes de maltraitance et de
négligences lourdes d’enfants et de personnes vulnérables,
bafouent l’éthique et heurtent violemment les sujets par
le non respect de leurs besoins fondamentaux de sécurité,
de soin : ces contextes génerent des dégâts
psychologiques majeurs chez les victimes qui y sont soumises et
seront d’autant plus contaminants que leur fréquence de survenue
est élevée ; Par ailleurs l’étude de KESSLER
1999 rejoint le constat des victimologues cliniciens : plus le trauma
atteint un sujet précocement, au cours de son développement,
plus les conséquences post traumatiques au plan de la construction
de la personnalité invalident irrémédiablement
son équilibre psychologique. Dans un registre plus
vaste, les crimes contre l’humanité et génocide, les
actes de tortures, les actes de terrorisme et prise d’otage constituent
des exemples tragiques où la dimension d’une violence intentionnelle
et souvent institutionnelle vise l’anéantissement de l’autre
dans ce qui constitue son essence identitaire et/ou sa différence.
Une autre approche qualifiant l’événement
traumatique, se rapporte à la fréquence de sa survenue
et à la probabilité de l’émergence d’un trauma
en résultant : la classification établie par TERR
à propos des violences subies par les enfants, différencie
le trauma « type 1 » aigu et de survenue isolée
(une agression physique sur la voie publique par exemple) du «
trauma de type 2 » chronique, qui s’installe en conséquences
de situations traumatisantes répétitives parfois aléatoires,
ligotant le sujet dans la contrainte et l’impossibilité de
se défendre. (Sévices corporels à enfants,
abus sexuels intrafamiliaux par exemple) Les réactions immédiates à
l’atteinte traumatique ou réactions de stress dépassé
L’état de choc
s’assimile à une véritable commotion psychique, qui
va se décliner de différentes façons possibles,
dans un temps immédiat après l’exposition à
la situation : état de sidération où le sujet
est figé par l’évènement et privé de
réaction comportementale et émotionnelle, état
d’agitation ou de panique, état d’angoisse majeure où
la dimension physique va dominer le tableau symptomatique ou bien
encore un état étrange d’hyper adaptation avec comportement
automatique, ou impression de déréalisation de dépersonnalisation
, nommés état dissociatif ; Des manifestations de l’état de stress
aigu à l’état de stress post traumatique Le DSM IV -Manuel Statistique des Maladies-
différencie l’état de stress aigu où les perturbations
post immédiates installées durent au minimum 2 jours
et au maximum 1 mois après l’exposition, du PTSD où
la perturbation peut se maintenir plusieurs mois, chez certaines
victimes particulièrement troublées, en prenant l’allure
d’un tableau dépressif spécifique. En effet,
en dehors de l’opportunité d’une aide médico-psychologique
précoce, de certains facteurs et contextes protecteurs et
favorables, certaines personnes exposées à un évènement
difficile et notamment celles ayant présenté des réactions
de stress dépassé, présentent un risque d’éclosion
d’une symptomatologie spécifique nommée « syndrome
psycho traumatique » (Terminologie adoptée par L.Crock
F.Lebigot C .Barois dans le cadre des Cellules d’Urgence Médico
Psychologique) ou Etat de stress Post Traumatique (ESPT) ou PTSD
chez les anglo-saxons, apparaissant aussi sous sa terminologie plus
ancienne de « névrose traumatique » en Europe.
Si l’on se réfère aux données statistiques
des recherches en psycho traumatologie, la prévalence de
la survenue du PTSD est évaluée globalement à
20% (15% à30%) selon les études. Parfois les
symptômes apparaissent dans les jours qui suivent cette expérience
douloureuse mais il arrive parfois qu’un silence entoure l’expérience
pendant de longs mois voire parfois des années ; cette latence
peut être soudainement levée lors d’un contact fortuit
avec une circonstance faisant écho au traumatisme d’origine
ou lors d’une période symbolique liée au traumatisme
(date anniversaire de l’expérience par exemple) Les émotions
refoulées peuvent soudainement se réactualiser avec
une forte intensité à distance da la période
d’exposition. Qu’est
ce que le syndrome psycho traumatique ou l’ESPT ? Le signe caractéristique de cette psychopathologie
repose sur le syndrome de répétition qui s’impose
à l’individu, le forçant à revivre l’événement
à l’identique dans ce qu’il a de violent et de traumatisant.
Le terme de reviviscence traumatique souvent mentionné
dans la clinique, met l’accent sur la réactualisation de
la scène qui reprend indéfiniment vie dans le présent
en dehors de la volonté et du contrôle du sujet , escortée
des images, des bruits, des odeurs etc … –éléments
proches de l’hallucination –(l’odeur de brûlé dans
les incendies, le bruit du choc de la carrosserie dans l’accident,
l’image du visage cagoulé du braqueur..) Ces éprouvés
sensoriels sont accompagnés de manifestations de stress,
d’angoisse témoignant d’un orage neuro végétatif
proche de celui vécu au moment même de l’exposition
(sueurs, tremblements, emballement du rythme cardiaque..) Au
plan neurophysiologique, certaines zones du cerveau s’activent voire
s’emballent : le cerveau limbique (notamment les zones de l’amygdale
et de l’hippocampe dans lesquels les émotions et la mémoire
épisodique condensent des bouts de réalité
de la scène traumatique stockés de manière
brute ) Ces zones de blocage empêchent la diffusion de
ces contenus aux zones associatives du cerveau (plus symboliques
et sièges du langage) et sont responsables du défilé
à l’identique « comme un film », ou des flash
back liés aux contenus de la scène traumatique, décrits
par les traumatisés. Ces répétitions
sont, soit spontanées, soit déclenchées par
un élément évoquant une facette ou un détail
de la scène initiale ; Le syndrome de répétition
traumatique s’actualise aussi à travers l’existence de «
flash-back » récurrents, véritables visions
diurnes et de pensées intrusives, surprenant et envahissant
le psychisme ; La personne traumatisée souffre aussi de ruminations
mentales comme si toute sa pensée tentait d’expulser ou de
digérer un corps étranger. La nuit, le sommeil
est émaillé de cauchemars de répétition
: le sujet terrifié revit littéralement l’horreur
de son expérience au point de redouter le moment du coucher,
synonyme de risque d’exposition à la scène. Très
souvent il va lutter contre la survenue du sommeil aggravant de
ce fait son état d’épuisement et son état de
détresse psychique. La répétition chez
l’enfant est repérée à travers la remise en
acte de la scène ou d’une partie de la scène traumatique
: jeux répétitifs, dessins à thématique
répétitive mais aussi troubles du comportement avec
restitution d’éléments de la scène traumatique.
Pour limiter les épisodes de reviviscence, le sujet
évite les stimuli déclencheurs : tout ce qui éveille
la mémoire du traumatisme va être écarté
: les situations, les personnes, les lieux, tous les signes qui
évoquent directement ou indirectement le traumatisme
Il va aménager des stratégies (adaptation post
traumatiques) pour trouver la protection, compensatrice de son extrême
sentiment de vulnérabilité, en aménageant la
vie quotidienne (limitation des trajets, des sorties, méfiance
et attitudes vérificatrices excessives.) Ce sont ces mêmes
conduites qui, dans la perspective d’un enkystement de la problématique
post traumatique peuvent non seulement largement entamer l’autonomie
mais asphyxier littéralement et aliéner le sujet au
plan de sa liberté La sphère cognitive (concentration,
mémoire, raisonnement) peut être perturbée mais
se sont surtout les troubles de l’humeur (irritabilité, agressivité,
affects dépressifs) qui risquent de faire le lit d’un véritable
état anxio dépressif avec le cortège de ses
conséquences au niveau, de la santé physique(somatisations
multiples), de la vie relationnelle (couple, famille, relations
sociales) et parfois l’auto dépréciation et l’invalidation
de la vie professionnelle( sentiment d’inutilité, fatigue
générale, arrêts de travail successifs)
Accompagnant des ressentis de honte, de culpabilité et de
perte de l’estime de soi, le sujet traumatisé peut évoluer
vers un état de détachement ou de plus grande indifférence
affective envers les autres et peut éprouver une perte d’intérêt
à l’égard des investissements habituels (activités).
Dans certaines formes de PTSD des troubles dits non spécifiques
peuvent s’associer à ce tableau : Souvent des conduites
de dépendance à l’égard de produits (addictions)
s’installent dans cette période : compulsions alimentaires,
consommation excessive d’alcool, de médicaments, de drogues.
Notons également qu’un évènement de vie
à potentiel traumatique peut réactiver des troubles
de la personnalité eux-mêmes induits par des traumas
précoces et renforcer la dimension auto et hétéro
agressive qui peuvent leur être associée : des conduites
anti -sociales, des comportements de délinquance peuvent
parfois conduire certains sujets gravement traumatisés, non
reconnus et non traités, à l’errance et à la
marginalisation sociale. Conclusion
La survenue d’un évènement
traumatique génère un profond changement dans la perception
de soi et du monde. Pour les blessés psychiques que sont
les sujets psycho traumatisés, il existe un avant et un après
l’événement ; et l’après ne peut plus jamais
être pareil à l’avant. Par sa fréquence
de survenue et par sa capacité à induire des conséquences
préjudiciables à la santé physique et psychologique,
le traumatisme psychique doit pouvoir être identifié
(la reconnaissance) pour pouvoir être prévenu et à
défaut, traité (la réparation). Sa banalisation
(voire son déni) de la part des proches, des autorités
administratives judiciaires, des instances médicales et sociales
risque d’ouvrir la voie à la sur- victimisation. En
l’absence d’une prise en charge adaptée, en divers domaines
(médical, psychothérapeutique, social et éventuellement
juridique, etc.), le sujet risque de réorganiser sa vie autour
de sa survie, de porter inlassablement sa plainte, son vécu
de préjudice (on nommait cet état « sinistrose
» dans le passé) ou d’adopter des comportements inadaptés
pouvant conduire à sa désocialisation et donc au renforcement
de sa vulnérabilité. Dans cette perspective,
la prise en charge des troubles psychologiques associées
aux différentes étapes des séquelles post traumatiques,
dans l’immédiat et le différé, s’est progressivement
imposée. Des traitements appropriés initiés
précocement, augmentent sensiblement, l’opportunité
de prévenir les troubles et les chances de guérison
rapides de ceux qui en sont porteurs. Dans certains pays les
catastrophes naturelles , les états de conflits armés
, de crises sociales , les actes de terrorisme génèrent
des problématiques humaines économiques et sociales
qui imposent la nécessité de reconstruction rapide
pour répondre aux besoins fondamentaux de survie, de sécurité,
de protection. Le fonctionnement médical éducatif
et social doit y être rapidement réamorcé sous
peine d’effondrement irrémédiable.. Panser les
plaies psychiques et participer à mobiliser les capacités
de reconstruction psychologique des personnes anéanties par
le traumatisme, prévient la pérennisation des séquelles
post traumatiques et le risque de déstabilisation plus chronique
et plus sévère. Dans ces contextes de détresse
collective majeure, prévenir l’installation de l’ESPT répond
à un profond besoin de soulagement des victimes et à
un réel besoin en terme santé publique.
HAP
France s’engage à y participer
en aidant les professionnels de la santé à se doter
d’outils thérapeutiques qui soulagent les souffrances humaines.
Martine Iracane-Blanco Secrétaire HAP
et Superviseur EMDR Psychologue
clinicienne et formatrice
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